Annie Mignard  écrivain

Annie MIGNARD



    Les textes précèdent les genres

      et souvent les ignorent





J’ai publié cet extrait “Les textes précèdent les genres” dans Frontières de la Nouvelle de langue française, Europe et Amérique du Nord (1945-2005), actes du colloque international 2005 sous la direction de Catherine Douzou (Lille 3) et de Lise Gauvin (Université de Montréal). Éditions Universitaires de Dijon, collection “Ecritures” 2006, pp. 234, 237. Il est extrait de mon intervention reproduite dans la table ronde des écrivains invités: “Écrire des nouvelles”.

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... J’ai écrit des nouvelles, des romans, du théâtre, et des études sur la littérature française contemporaine. Mais j’ai été, et je suis toujours écrivain avant d’avoir entrepris ces études, lesquelles viennent après mon expérience d'écrivain et n’ont pas pu l'influencer. Pour continuer sur ce point, que je trouve tout à fait important, de méthode inductive et non pas déductive, ce que j’ai écrit sur la littérature française d’aujourd’hui se fonde sur mes observations et non pas sur une théorie préalable: et ainsi, en ce qui concerne la définition de "la" nouvelle, j'ai pu observer, comme d'autres ont pu le faire aussi, que “la” nouvelle est un genre omnigenre, au même titre que le roman est un genre omnigenre. Pour me résumer, je ne sais plus qui a dit une phrase avec laquelle j’exprime mon accord: “Les textes précèdent les genres et souvent les ignorent.”


Mon premier recueil de nouvelles, 7 Histoires d'amour, est centré sur un thème unique. En 1987, lors de sa première édition, les nouvelles n'étaient publiées dans l'édition qu'en recueils. Or les recueils disparates me tombent des mains. Je n'allais pas donner quelque chose que j'aurais trouvé moi-même ennuyeux. J'ai donc cherché, dans ma chemise à sujets, plusieurs sujets sur un même thème qui puisse les unir, les justifier, et les renforcer: ce thème a été l'amour.


   Il faut bien se rendre compte que le recueil n'est pas une “forme” nécessaire. Il n’est qu’une obligation éditoriale, historiquement tributaire du mode de distribution des livres. Les livres sont présentés au public chez les libraires, en piles sur des tables ou, le plus souvent, rangés verticalement dans les étagères, où l’on ne voit que leur tranche. Les volumes doivent donc être assez épais pour qu’on puisse lire le titre, le nom de l’auteur, et celui de l’éditeur: six millimètres au minimum, de préférence un centimètre et demi. C'est une obligation pour que l'ouvrage ait une visibilité. Cette contrainte concrète de présentation du produit fait qu’on demande des recueils aux auteurs. Et si maintenant il arrive qu'on publie une nouvelle seule,ou bien elle doit avoir une certaine longueur - être une novella -, ou bien on la flanque d’une préface et d’un apparat critique de façon à ajouter des pages d'épaisseur. L'importance des conditions concrètes de production concrète est souvent ignorée.


Une nouvelle se suffit à elle-même, elle est une oeuvre en soi. Ni l'auteur ni l'éditeur ne peut lui imposer d’être courte ou longue. C’est le sujet, c’est l’histoire qui détermine, qui impose même, la longueur de la nouvelle. Il suffit d’être attentif à l’histoire et d’écouter ce qu’elle nous demande. (...) On écrit comme une huître qui remue ses branchies au fond de la mer. On ne se dit pas: “Je vais écrire une nouvelle comme ceci ou comme cela.” Une nouvelle est quelque chose de nécessaire, et si ça ne l’est pas, ce n’est pas la peine de l’écrire.


               © Annie MIGNARD

 

sur mon travail

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