Annie Mignard  écrivain

dossier de presse de “Le Père”



COURRIER DES MUTUELLES - Serge Safran


L’ÉNERGIE DE L’ANGOISSE



On peut lire le dernier roman d’Annie Mignard, Le Père (éditions Seghers, collection “Mots”) comme une métaphore sur la représentation de la mort. Celle qui hante, à l’instar du Horlà, et vient dicter sa loi aux limites de la folie. L’art seul semble alors en mesure de la transcender. Il ne faut donc pas s’étonner que le narrateur soit un artiste, metteur en scène de théâtre en l’occurrence.


Ce problème fondamental de communication, que constate Serge Cazat, prend sa source dans l’univers familial (“Le premier théâtre que j’ai connu a été le théâtre de ma famille à Sirry”). C’est justement la visite de sa mère, dans son bureau de travail, qui déclenche chez Serge une série de souvenirs. Mais auparavant, le lecteur a été mis dans la confidence: “Tu es mon oncle Serge. Tu es mort quatre ans avant que je naisse, on m’a donné ton nom, j’ai pris ta place sur la terre. Et pour moi, tu as toujours été et tu seras toujours mon père.”


    C’est à l’âge de quatre ans, à cause d’une photographie, que Serge apprend en effet par sa grand-mère, qu’il appartient à une dynastie de Serge qu’elle a engendrée. Oncles,

 



cousins, voisins, en français, en roumain, tous les garçons s’appellent Serge! Inutile d’insister sur les problèmes d’identité! A douze ans, le vrai père s’en va. A dix-huit, rencontre de Moussia. Finie l’enfance, les cow-boys et les indiens. C’est l’heure des études de droit, la vie d’étudiant. Chambres de bonne, Quartier latin, Mai 68. Ruptures, désordres, dépressions.


    La crise d’identité mène à l’identification. La mort de l’oncle, à dix-neuf ans, plonge le neveu dans des états difficiles à comprendre pour les autres. Ainsi la violence de belles scènes d’insurrection auxquelles la liaison avec Moussia ne résiste pas. Puis vient l’époque des revanches, la décision d’émerger, de rompre avec l’enfer familial, de s’engager dans une carrière théâtrale puisque “les personnages rôdent sous le plateau tandis que nous les invoquons au-dessus.”


Le Roi Lear, Médée, Peer Gynt sont nourris de l’énergie de l’angoisse du metteur en scène... Puis la grand-mère meurt, la maison familiale est mise en vente, le passé s’enfouit dans les limbes de la mémoire. Comme l’avait déjà écrit Buffon, cité en exergue: “On ne fait pas assez d’attention aux effets lorsqu’on ne soupçonne pas quelles peuvent en être les causes.”