Annie Mignard  écrivain

Grands sont les maîtres du Haut-Kœnigsbourg

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GRANDS SONT LES MAÎTRES DU HAUT-KŒNIGSBOURG, récit. Illkirsch (Bas-Rhin): Le Verger 1999.64 p;17,5x11,3cm Couv. ill. (Ecrivains en résidence)5,33 €. ISBN 2-908367-84-X



Personnel

    Je suis restée une semaine de neige et de glace en février, dans ce moyenâgeux château du Haut-Kœnigsbourg qui surveille la plaine d’Alsace. Je cherchais mon sujet. Je parlais avec les aimables dames de la billetterie, venues des trois vallées proches, qui avaient trois prononciations différentes de mots alsaciens; je lisais à la bibliothèque; j’errais.

    Je n’ai compris l’âme du lieu que grâce à Jean Renoir. En gravissant les degrés qui mènent, dans le corps du château, aux étages, j’ai brusquement reconnu une vision: le plat taillé dans le roc entre les parois, la lumière pâle tombée d’en haut, la baraque dans la paroi de droite: l’endroit, reconnaissable entre mille, où l’officier prisonnier Boeldieu-Pierre Fresnay croise et engueule je ne sais quel autre personnage de La grande Illusion pendant la guerre de 14: on est enfermé dans le ventre d’une forteresse militaire.

    C’était ça l’âme de ce château restauré par Guillaume II empereur d’Allemagne quand il avait remis la main sur l’Alsace et la Lorraine. Il était pour moi comme un abcès de fixation de douleurs de l’histoire alsacienne.    J’ai fait mon histoire là-dessus.

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Annie Mignard. “Grands sont les maîtres    

   du Haut-Kœnigsbourg (Le Verger)

            - Début -


    “Souvenez-vous que cette année-là l’hiver fut si froid que le vin gelait dans les outres. Les aïeux de vos aïeux, leurs grands-pères, gens d’Orschwiller ou de Dambach qui montaient servir au Haut-Kœnigsbourg s’en souvenaient: cette année-là le vin avait gelé dans les outres, les pierres des murailles se fendaient en éclats qui tombaient dans la cour, et à la messe du matin le vent sifflait si fort autour de la chapelle qu’il couvrait la voix du curé qui criait. Ils se souvenaient que dans l’auberge la glace dégouttait la nuit sur les paillasses que les hommes se relevaient pour traîner de place en place, et qu’on avait trouvé un jour l’un des ânes morts dans l’étable, à côté du taureau qui mordait ses vaches et des étalons en fureur dans leur écurie. Et votre aïeul Martin, homme jeune et beau valet, qui menait avec le maître ânier les ânes autour du château ramasser le bois derrière les coupeurs, se souvenait que les pentes étaient jonchées d’arbres noirs et couchés comme si toute la forêt s’était cassée sous la neige.


    Le matin, le jeune Martin montait sur la tour d’artillerie qui est au-dessus de l’étable. De là il pouvait voir une grande étendue de l’Alsace, les jours que le brouillard s’était levé au-dessus des arbres. Il cherchait à reconnaître les villages au pied du château, Orschwiller, le toit de ses parents, immobile, gelé. Il fixait ses yeux sur la neige. Il apercevait alors une forme sombre de sanglier ou de loup qui descendait en trottinant dans les vignes chercher près des maisons quelque débris ou bestiole à croquer.”




Bourse de résidence

Ce livre succède à une bourse de résidence au Haut-Kœnigsbourg, attribuée par la DRAC Alsace. Paru dans la collection “Ecrivains en résidence” dirigée par Chantal Robillard



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